Le rap ne se prive pas de le dire mais il veut son indépendance par tous les moyens (monter son label, faire appel à des labels indépendants, l’autoproduction…)
Une partie du rap français ne semble plus avoir besoin des grands labels. Récemment, Kanye West urine sur son Grammy Awards pour protester contre les maisons de disques, Freeze Corleone se sent « libéré » après qu’Universal ait mis fin à son contrat, Jul et son label « D’or et de platine » bat tous les records… Serions-nous dans une phase de guerre de l’indépendance du rap ? En tout cas, les maisons de disque en prennent un coup mais il faut se rendre à l’évidence, le rap veut son indépendance.
Auto-thuné
Oui, le rap brise ses chaînes et s’arme seul. C’est ce qu’ont voulu nous montrer également les pionniers français des 90’s, avec la constitution de petits groupes de rappeurs, venues avec des rimes et des projets pleins les doudounes, dans les studios de quartier. Les premiers producteurs sont nés et se sont autofinancés avec un objectif, monter leur propre structure. Il y avait ainsi un seul mot d’ordre : « nous aussi on peut faire de la musique ».
Lunatic, un groupe qui n’a fonctionné qu’avec la construction d’un label indépendant (45 scientific, fondée par Geraldo et JP Seck), n’est que très modestement le duo de rap dans lequel Booba a fait ses premiers pas, en laissant un bel héritage pour le rap français.
Ici, nous parlons évidemment d’indépendance comme une définition juridique. Etre indépendant signifie ne pas être signé dans une grosse major. En tant que label indépendant, nous pouvons citer Because Music, Naïve, 92i de Booba et bien d’autres. Selon le FELIN, fédération nationale des labels indépendants, entre 2003 et 2009, la part de marché des labels indé ont augmenté de 17%, malgré 36% de perte en valeur. Culturellement, il y a toujours eu ce sentiment que le rap voulait s’émanciper.

Les premiers rappeurs ont adopté une idéologie dans laquelle on disait non aux gros labels qui ne s’intéressaient, d’ailleurs, pas à ce style musical. Nous pouvons penser actuellement le contraire quand nous savons que les labels se font énormément d’argent grâce au rap. Effectivement, les grandes majors ont eu tellement souvent l’image de la culture « mainstream » (ndlr : la musique qui plaît au grand public) que le rap s’en est détaché.
Ainsi, le rap voudrait devenir une musique de pointe, qui ne fait pas de la musique juste pour l’argent. NTM l’avait d’ailleurs dit : « ce n’est pas parce qu’on passe à la radio qu’on n’appartient plus à la rue ». De plus, la crise du disque de 2003 enregistre une perte foudroyante pour les maisons de disque, qui n’ont plus la possibilité de faire signer des contrats. Que cela soit en France ou ailleurs, cette crise est une bonne raison pour que le rap devienne indépendant.
Pourquoi en parler de plus en plus ?
Nous pouvions en parler avant mais pourquoi nous en parlons maintenant ? L’actualité rap s’accorde bien avec cette indépendance. Kanye West, mi-septembre 2020, se filme en train d’uriner sur son Grammy Awards. En dehors d’un coup de folie, c’est un coup de gueule. Contre Universal ou Vivendi, le mari de Kim Kardashian s’indigne. Il dénonce les contrats injustes des grandes maisons de disque. Cette minorité de labels (EMI, Universal, Virgin…), qui forment une oligopole, est très critiquée vis-à-vis des contrats inégalitaires avec l’artiste. Pour contrer le mouvement indépendantiste des artistes, les grands labels ont même décidé de signer plus vite les nouveaux venus, pour avoir l’exclusivité sur leur talent.
Pendant le confinement, c’est au tour de Tory Lanez de quitter son label, durant la nuit du 10 avril 2020. Alors à l’antenne sur sa « Quarantine Radio », le rappeur canadien éclate de joie quand minuit sonne. Il déclare par la suite : « Je suis officiellement, officiellement indépendant. Je suis libéré de ce putain de label ! » Une démonstration bien farouche de se déclarer libéré.
Plus anciennement, en 2015, c’était 2Chainz qui lançait son propre label « the Real University » avec lequel il signe Skooly ou Bankroll fresh. La même année, DJ Mustard lance son label « 10 Summers ». Sur ce projet, il collabore avec le rappeur RJ. Le rappeur belge, Damso, s’y met aussi. La sortie de QALF, son dernier album, n’a fait qu’officialiser la création du label « 34 centimes ». Ce nom est une référence notoire dans la carrière du rappeur. Cette somme était celle dont il disposait sur son compte en banque, avant d’atteindre des sommets.
Avec une évolution technologique massive, il suffirait de disposer d’une communauté de fans pour lancer sa carrière. Vous verrez, les exemples ne manquent pas. Du talent, un studio, c’est fait.
Avantages et inconvénients dêtre en indé
Premièrement, que vous soyez n’importe quels artistes, les labels indépendants mettent un point d’honneur à respecter votre musique. Il suivre chacun des artistes qu’il a signé dans sa vision des choses. Deuxièmement, les labels indé sont souvent en effectif réduit, ce qui permet une communication plus facile entre l’artiste et ceux qui travaillent avec lui. Malheureusement, tout cela serait trop beau si les labels indépendants n’avaient pas d’inconvénients.
Les questions d’argent sont une limite à tout ce beau système. Si les petits labels n’ont pas de quoi financer certains projets, à l’inverse les grandes majors assurent une couverture médiatique et un salaire assez élevé. Le nombre réduit fait aussi partie des inconvénients de l’indépendance artistique. Avec un petit nombre de collaborateurs, l’artiste peut vite se trouver stoppé s’il veut viser haut dans ses projets.
Cela n’empêche pas pour autant les artistes en indé de se hisser au sommet. D’or et de platine de JUL, QLF records de PNL ou Affranchis music de Sofiane… Que du beau monde. Des entreprises qui proposent des contrats de distribution (uniquement pour distribuer l’album) ont bien compris la mentalité des rappeurs se voulant indépendants. Auparavant, c’était la société Musicast qui distribuait les disques de Jul ou PNL.
Le patron, Julien Kertudo, donnait un exemple simple au micro de Générations : pour un CD de 10€, l’artiste touche plus de 8€. « La majorité qui rentre dans notre boîte repart pour le label » insiste l’homme aux 1000 succès.
Nous rentrons désormais dans une phase de renouveau musicale. Les artistes font un bras d’honneur au système de majors et s’imposent comme l’avenir indé, recherché par tellement de monde, et sans doute par les fans eux-mêmes.
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