Les compilations ont toujours fait partie du monde du rap français. Elles ont permis à des artistes, autrefois peu connus, d’atteindre des sommets. Ces dernières années, elles ont malheureusement connu un gros vide. Mais aujourd’hui, un regain d’intérêt pour ces dernières semble se faire sentir. Mais la question est… Pourquoi ? Enquête sur le retour des compilations rap FR.
Retour aux racines

Avant d’aller plus loin, retournons aux origines du rap. Nous sommes à la fin des années 80. Les groupes de rappeurs se montent petit à petit, et les freestyles nocturnes retentissent dans les rues, au cours des bloc-party. A la radio, NTM, Assassin ou Solaar improvisent et enchainent les rimes dans le micro de Radio Nova, le dimanche à l’heure de la messe. Ce contexte si propre aux années 80 montre une seule et unique chose ; les rappeurs ont toujours ressenti le besoin de se réunir. Un schéma semblable s’est dessiné dans les années 90, à travers un album iconique : Rapattitude. Regroupant tous les groupes de rap de l’époque (Tonton David, Assassin, NTM, Dee Nasty, pour n’en citer que quelques-uns), Rapattitude a sans doute été le premier signe que le rap voulait s’imposer comme style de musique, et non pas comme un mouvement culturel underground.
Pour en savoir plus sur ce désir de monter des compilations, il suffit de chercher qui a eu l’idée de cette compilation. Le producteur s’appelle Benny Malapa. Scénariste et auteur, Malapa est surtout le directeur de « Labelle Noir », label qui a signé Rapattitude, vendu à 40 000 exemplaires. Mais ce même label n’était pas complètement indépendant. Effectivement, Labelle Noir appartenait au grand label Virgin Music. Après cette période de reconnaissance du rap, la crise du disque qui a opéré au début des années 2000, a mis un terme à bon nombre de projets sur la planète rap français.

Le rappeur Solo, du groupe Assassin, a même avoué que « la transmission ne s’est pas faite » entre les années 90 et 2000. Après quelques compilations comme Street Lourd 1/2/3 ou des collectifs de rappeurs comme Mafia K1 Fry ou des compils comme Planète Rap de Skyrock, le rap français a peiné à marcher, parce que seul et désorganisé.
Le majeur contre le système
La solution à cette situation était celle-ci : le rap français doit fonctionner en indépendant. Mais le phénomène a déjà été vu par le passé. « Secteur A » s’était aussi initié à l’exercice de l’autoproduction en concoctant des compilations de la scène rap, avec de gros noms : Doc Gynéco, La Clinique ou encore Arsenik.
Aujourd’hui, cette tendance revient. Les labels indépendants se montent comme « D’or et de Platine » de Jul ou encore « Les Affranchis Music » de Fianso. Ce dernier est d’ailleurs un des premiers à remettre au goût du jour les compilations de rap français.
Avec « 93 Empire », compilation sortie en 2018 produite par lui-même, Fianso avait frappé fort en réunissant sur un même album NTM, Kalash Criminel ou bien Vald, tous venus du 93. Au micro de Rapelite, Sofiane s’était exprimé sur ce sujet : « L’idée est basique pour tous les mecs qui ont grandit dans le 93. […] On a tous rêvé de faire un truc comme ça ». Fianso annonce aussi une autre compilation du nom d’ « Art de rue » qui regroupera les rappeurs de l’Hexagone, connus ou non, pour 2021.
Du côté de Marseille, c’est Jul qui se charge de produire une compilation des rappeurs du Sud sous le nom de « Bande organisée ». La tracklist est gravée du nom de SCH, Naps, Soso Maness, Elams et Kofs. Avec tout ça, nous sentons que le rap français veut se retrouver. Mais un en particulier, le rap indépendant ; impulsé par les rappeurs eux-mêmes.
Majors contre marginaux
Si les rappeurs indépendants s’organisent pour concevoir leurs propres compilations, les grands labels, eux, veulent récupérer une part du flambeau. Pour illustrer ce système, prenons l’exemple de la série « Validé ». La série de Frank Gastambide, traitant du milieu du rap français aujourd’hui, a suscité énormément d’intérêt. La première saison de la série a cumulé environ 15 millions de vues sur MyCanal ; 1315 ventes de la bo au bout de 3 jours, sur les plateformes de streaming.
Pour répondre à une demande croissante sur les compilations rap depuis « 93 Empire » de Sofiane, Polydor a produit une compilation retraçant la bande originale de la série. Une stratégie qui a permis au grand label de toucher une part de la population contre les labels indépendants, s’organisant en marge de l’industrie musicale. Dans tous les cas, le rap a toujours eu cet esprit d’émancipation. La volonté de devenir indépendant est encore d’actualité aujourd’hui et fait le malheur des labels.
Le rap ou rien
D’un côté, un certain nombre de rappeurs ne laisse pas tomber leur désir d’indépendance en se réunissant dans une compilation.
De l’autre côté, les maisons de disque contre-attaquent en produisant des compilations de rap français avec des artistes ultra-connus. La compilation de Validé comportait notamment un titre de Soprano, Ninho ou Gims.
Quoi que l’on fasse, le rap n’oubliera pas ses racines. Les compilations rap en sont le parfait exemple. Dans les années 80, les rappeurs se réunissaient pour exister et faire barrage à l’industrie. Aujourd’hui, les rappeurs se réunissent parce qu’ils existent et souhaitent offrir leur art, désormais démocratisé, ensemble.
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