A la manière d’un débat Marvel VS Comics ou Booba VS Kaaris, regarder un film au cinéma ou au streaming est devenu un parti-pris.
Qui l’aurait cru ? Qui aurait cru qu’un jour, les services de streaming deviendraient de véritables concurrents pour l’industrie du cinéma ? Cette industrie qui date d’avant 1900 se fait aujourd’hui titiller par des sociétés qui n’ont même pas 20 ans. Et cela déplait autant que ça inspire.
De grands noms du cinéma s’en prennent régulièrement à Netflix, comme Edouard Baer ou Xavier Dolan. Pour Steven Spielberg, c’est bel et bien une “guerre” qu’il y aurait entre lui et le service de streaming. Ces derniers s’insurgent de voir les productions Netflix ou Amazon concourir pour les Oscars. Des cérémonies qu’une forme d’élite est habituée à dominer, depuis des années maintenant. “Comment ça ? Une production non-hollywoodienne nominée ? Mais c’est un scandale”. C’est ce qu’on a du entendre suite aux quatre nominations de Mudbound, une production Netflix, aux Oscars 2018.
Mais contre ça, ils ne peuvent plus grand chose. La nouvelle génération notamment a largement fait comprendre que le streaming, c’était aussi “cool’ qu’un bon film au cinéma. Et ça, les grosses sociétés de productions l’ont bien compris. Disney, Sony, Apple ou NBCUniversal : tous se lancent dans l’aventure du SVOD. Mais pendant ce temps, beaucoup de films qu’on découvre en salles obscures continuent de fonctionner, et de très bien fonctionner.
Entre choc des générations et course pour le profit, le cinéma est-il mort ? assassiné par le flux continu ?
Le cinéma, une entité invincible ?
Avant de parler d’une possible mort du cinéma, est-on certain qu’il est seulement mortel ? Le cinéma, plus qu’une révolution : c’est un art. C’est même le 7ème art. Aux côtés de la poésie, de la peinture, ou de la photographie, il a su perdurer dans le temps. Se transformer, se tromper, se bonifier. Du noir et blanc, on est passé à la couleur. Du muet, les acteurs ont commencé à donner la réplique. Ce n’est pas la première fois qu’on a peur pour le cinéma. En 1897, suite à un accident mortel à cause d’un cinématographe, les projections ont été interdites en France et à l’étranger. Durant la Première guerre mondiale, le cinéma est presque mort sous les balles, avant de connaître une vraie renaissance (grâce à la Nouvelle Vague notamment).
Bien avant le streaming, c’est la télévision qui a écorché vif cette industrie. Le petit écran accapare bien plus les esprits que le grand, et le nombre de spectateurs baisse considérablement. En 1970, 184 millions de français vont au cinéma contre 424 millions en 1947. Le cinéma y a t-il laissé sa peau ? Manifestement, non. Depuis 1992, le cinéma n’aura jamais été aussi grand. Avec des recettes à plus de 2 milliards de dollars, Avatar, Avengers : Endgame ou Titanic ne font que le démontrer.
Mais il faut bien l’avouer, en France notamment, le cinéma n’a plus autant la côte dans les coeurs. Le charme des sièges rouges et du paquet de pop-corn ne semble plus faire grand effet chez les françai. Il faut dire aussi que des petites salles de cinéma charmantes, on est passé à d’énormes multiplexes inexpressifs. La fréquentation des salles continue de baisser, mais pas nécessairement au profit de la télévision qui est en mauvaise posture elle aussi. “Trop cher”, c’est l’argument qui revient le plus souvent. En effet, on observe que les prix d’un ticket de cinéma chez CGR en région parisienne par exemple varient entre 7,60 et 16 euros (pour la salle ICE). Une forte hausse depuis 1999 puisque le prix moyen en France était de 5,36 %. Alors à cela, les jeunes (mais pas que) ont trouvé une solution depuis presque 10 ans maintenant.
Le streaming : un phénomène qui n’est pas nouveau
Papystreaming, Cacaoweb, Dpstream : ces noms vous évoquent peut-être quelque chose. Ils font partie des sites de streaming dit illégaux les plus célèbres. Depuis 2008 déjà, on appelait le streaming “diffuseur contrefacteur”. Avant même les succès de Netflix, OCS ou Amazon Prime Video, ces sites proposaient de manière gratuite une très grande sélection de films ou de séries piratées. Et ce, malgré la menace d’une peine de trois ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende pour contrefaçon de droit d’auteur. Ainsi, dans son canapé, il était tout à fait possible de visionner pour pas un sou un film sorti en salles il y a à peine une semaine. Une grande campagne de diabolisation avait alors été lancée contre le streaming notamment à la télévision. Personne n’oubliera cette pub anxiogène qui déclarait que le téléchargement de films était du vol. Un avertissement qui n’a vraiment fonctionné, puisque les jeunes ont continué à télécharger, et les sites sont toujours fonctionnels.
Aujourd’hui, fini le temps des vieux sites de streaming gorgés de pubs et menaçant de fermer à tout instant. Désormais, il est d’usage de payer pour la SVOD. Pour quelques dizaines d’euros par mois, plus de 1000 films, 700 séries et documentaires sont consultables à tout moment, en très bonne qualité. Ce système a tout de même ses failles. En effet, le directeur de Netflix s’est trouvé furieux au mois de mars lorsqu’il s’est aperçu que 2 millions de marocains se partageaient 12 comptes. L’option de partage de compte ne permet en effet pas de vérifier combien de personnes partagent ce même compte. Le fait de payer n’est alors qu’une vaste théorie pour de nombreux utilisateurs.
Le streaming comme “lifestyle” ?
Mais il faut bien en être conscient, le streaming correspond parfois plus à un art de vivre qu’un véritable amour du cinéma. Le streaming s’ancre en fait dans la culture de l’instant, ainsi qu’une forme de surconsommation. On veut tout, tout de suite. Il est d’ailleurs devenu inconcevable pour certains que leur film préféré ne soit pas disponible sur ces sites streaming. Les chanteurs et rappeurs font régulièrement la promotion de Netflix dans leurs chansons. “Netflix & chill” est d’ailleurs devenu une expression courante chez les jeunes pour indiquer une soirée détendue devant un film ou une série, avec une personne qui leur est chère (pour rester politiquement correct). Les sites de streaming sont synonymes de détente, de liberté et d’opulence.
On peut alors légitimement se demander s’il est vraiment possible de se concentrer à fond devant un film quand il est visionné sur son téléphone, dans le métro. Ou bien dans le salon, avec le téléphone à la main. Le cinéma promet au moins une chose que le streaming ne peut pas encore promettre : le grand écran, le son, la lumière et l’interdiction (théorique) d’utiliser son portable optimisent une vraie concentration. Les yeux restent rivés sur l’écran et on ne pense plus à rien, sauf au dénouement du film. Difficile alors de départager ses deux rivaux. Il s’agira pour le cinéma de se renouveler pour faire face à la menace planante. Pour les acteurs et les réalisateurs “traditionnels”, il faudra ravaler sa fierté et accepter que le monde bouge et que ce ne sont plus uniquement les adolescents qui consomment le streaming.
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