PornHub, le géant du porno, qui soufflait en 2017 sa dixième bougie, a déposé le bilan. Ce dernier est proprement hallucinant ; selon des chiffres communiqués par MindGeek (la holding luxembourgeoise propriétaire du site), celui-ci a comptabilisé en 1an près de 28,5 milliards de visites, c’est-à-dire 81 millions de visites quotidiennes.
Avec un chiffre d’affaires annuel de près de 100 milliards de dollars, l’industrie pornographique mondiale connaît une progression faramineuse.
Tout juste 40 entreprises se partagent les parts de ce gâteau.
PornHub tire donc parfaitement son épingle du jeu. Faisant partie intégrante de la première multinationale du sexe, elle participe allègrement à un chiffre d’affaires global estimé à 400 millions de dollars.
Le 6 septembre 2018, en pleine cité des Anges, avaient lieu les premiers PornHub Awards.
C’est l’endroit que Kanye West (qui n’a décidément pas besoin de PornHub pour faire les choux gras de la presse) avait choisi pour présenter le clip de son morceau « I love it » (en featuring avec Lil Pump). Celui-ci a été diffusé en exclusivité et pour la première fois lors de l’évènement mondain dont le rappeur avait par ailleurs assuré la direction créative.
Comment PornHub, leader mondial dans le secteur de l’hébergement de vidéos pornographiques, réussit-il peu à peu à se frayer un chemin dans l’industrie du disque?
La stratégie commerciale de PornHub…
Si le lien entre ces deux univers est à priori surprenant, tout compte fait, et si l’on écoute un tant soit peu les paroles dudit morceau, on se dit qu’on pourrait difficilement faire plus explicite. Le sexe, en tant que fond de commerce, est le point commun évident de la collaboration.
Lorsqu’on s’y intéresse de plus près, on remarque très vite que PornHub est loin d’en être à sa première incursion dans le monde de la musique.
En 2014, l’entreprise avait déjà tenté le croisement en lançant sa propre maison de disques, ainsi qu’un concours musical. La stratégie marketing justifiant un tel projet était alors d’élargir les horizons en diversifiant les secteurs d’activité.
Comme en témoignent les déclarations de Corey Price, vice-président de PornHub, qui déclarait alors:
« Nous essayons de promouvoir des actions qui ne sont pas nécessairement centrées sur le domaine pornographique. Au final nous ne sommes qu’un réseau qui fonctionne grâce à la publicité, et nous recherchons du contenu – sous quelque forme qu’il soit – qui cible les intérêts de notre audience par rapport à sa démographie. La musique ciblée est donc celle qui contient des paroles « matures ». Nous ne recherchons en aucun cas des boys bands et ne cherchons pas à promouvoir de la pop adolescente par exemple ».
Un argumentaire pragmatique, logique et qui n’est somme toute pas tiré par les cheveux. Pourquoi pas, après tout ?
… Face à une industrie du disque en crise
Force est de constater que le temps où l’argent coulait à flots dans le monde de la musique est révolu. La révolution internet ayant tué le disque, l’essentiel des marges des artistes se font par les tournées et les représentations publiques (shows promotionnels exclus).
Si quelques mastodontes peuvent se permettre de passer l’étape de la promo (Beyoncé a été la première à lancer le phénomène des albums « droppés » sur les plateformes de téléchargement légal à l’improviste), la grande majorité des artistes doit bien se faire connaître et engage un budget important dans la création de contenu visuel percutant.
D’où la nécessité d’avoir recours à des investisseurs généreux. Vous l’aurez compris, ceux-ci sont tous désignés.
Depuis 2014, PornHub Records n’a pu clôturer aucun contrat de type « record deal » avec des artistes. Le concours de chansons a bien élu des gagnants (si cela vous intéresse, allez voir le travail de Jordan Royale et Mihanna Zang), mais n’a produit aucun album.
Actuellement,le label parvient substantiellement à soutenir des projets pour la scène musicale queer en apportant un soutien financier à des artistes comme Mykki Blanco, Brooke Candy et Young M.A. dans leurs réalisations mêlant longs-métrages X et clips vidéos dans le même thème. Pour un résultat résolument éclectique.
… Mais un alliage qui n’est pour l’instant qu’une idée visionnaire
L’écho de ces productions, qui demeure pour l’instant assez confidentiel, ainsi que le fiasco des Pornhub Awards (malgré l’investissement créatif de Mr West) montrent une certaine réticence de la part du public.
L’opinion publique (au-delà de la dite « bien-pensance ») réchigne pour l’instant, et malgré son ouverture d’esprit, à penser un site pornographique en tant que fournisseur de contenu créatif.
Ceci montre que certaines limites perdurent dans une époque où l’industrie du divertissement en général repousse sans cesse les limites du politiquement correct. Un phénomène qui pourrait donc patienter encore quelques années mais qui semble pourtant inévitable.
Celui-ci contribue à mettre en lumière la scène queer, catégorie musicale souvent réduite à la censure. D’autre part, et tandis que les budgets des artistes fondent comme neige au soleil, un site fondé sur la procuration de plaisir à ces utilisateurs ( qui de surcroît ne dépensent pas un sou) n’a jamais été aussi riche en fondant l’essentiel de sa fortune grâce à des revenus publicitaires vertigineux.
Face à une industrie musicale toujours en quête de nouvelles idées, l’aspect sulfureux du premier producteur de musique classé X semble être le point culminant de la course à la provocation et la controverse dans laquelle Kanye West excelle.
Si tous ne partagent pas l’avis selon lequel il relève du propre de l’art de déranger, il est cependant communément admis que celui-ci aide à exprimer des émotions. Comme si quelque part les pulsions sexuelles devaient-elles aussi être retransmises en musique.
PornHub records où la Catharsis version 2.0.
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