La tenue de Serena Williams, en mai dernier, sur les courts de Roland-Garros, avait défrayé la chronique.
Loin de n’être qu’un détail vestimentaire, l’originalité de ses vêtements est rapidement devenue sujette à polémique. Certains comparent, avec amusement, la tenue de Serena Williams à un costume de super héroïne, du genre Catwoman, ou plus récemment à celui de la « Reine du Wakanda » dans Black Panther. Certes, le vêtement de la joueuse ayant été créé avant le film, la ressemblance était donc fortuite. Et pourtant, Serena Williams a évoqué d’elle-même ces deux figures héroïques, non par arrogance mais plutôt par espièglerie.
Car effectivement, son message est un peu plus profond. Notre tenniswoman est devenue maman pour la première fois il y a seulement quelques mois. Ayant connu quelques complications liées à sa grossesse, elle a souhaité, selon ses propres termes « représenter toutes les femmes qui ont dû traverser des épreuves, mentalement et physiquement, avec leur corps, et qui reviennent confiantes, croyant en elles-mêmes ».
Mais son côté super-héroïne ne s’arrête pas là. Dorénavant plus concernée par les valeurs de notre société, elle a aussi collaboré avec Beyonce pour dénoncer la discrimination faite aux femmes noires. Elle déplore notamment l’inégalité entre leurs salaires et ceux des autres femmes, ou encore l’accueil médical « méprisant » qui leur est souvent réservé.
Pour autant, cela n’a pas empêché ses concurrentes sur terre battue de remettre en cause la validité de sa tenue pour la compétition. Kristyna Pliskova, 70ème joueuse mondiale, s’est exprimée sur cette question, peu après sa défaite contre Serena. « Je me demandais si c’était dans les règles. Je ne sais même pas quelle matière c’est. On dirait du Néoprène. Elle est supposée suivre les règles. Sinon, on la fait jouer nue », a-t-elle déclaré, avec une amertume à peine voilée.
Si dans certaines disciplines, telles que le paddle par exemple, il est avéré qu’une compression externe au niveau des jambes favorise les performances, ce n’est pas le but premier avancé par Serena Williams. Elle s’explique : « J’ai beaucoup porté de pantalons en jouant parce que cela favorise une meilleure circulation sanguine. C’est une combinaison amusante, qui me permet de jouer sans aucun problème. »
Mais la sportive n’envisage pas l’amélioration de ses résultats en facilitant le retour veineux, contrairement à d’autres athlètes. Il se trouve qu’elle est régulièrement victime de phlébites. Ce sont des caillots sanguins qui viennent obstruer les veines au niveau du mollet, créant ainsi une inflammation douloureuse et invalidante.
Une phlébite peut même se révéler très dangereuse lorsque le caillot sanguin bloqué dans la veine se met à migrer vers les poumons. Le caillot bouchant alors l’artère pulmonaire, le sang ne peut alors plus s’oxygéner : c’est ce que l’on appelle une embolie pulmonaire. Un phénomène gravissime qui entraîne une détresse respiratoire et qui, sans traitement médical urgent, peut s’avérer fatal.
Or, Serena Williams a été victime de plusieurs embolies pulmonaires depuis 2003, y compris lors de sa grossesse. Par conséquent, un équipement lui est nécessaire pour comprimer correctement ses membres inférieurs, et ainsi augmenter la circulation veineuse. En effet, plus celle-ci est ralentie, plus le risque de formation d’un caillot sanguin est important.
Voici un schéma expliquant en quoi l’alternance des contractions musculaires comprime la veine et facilite ainsi la remontée du sang veineux vers les poumons grâce à ce système de pompe. Mais si cette contraction musculaire perdure trop longtemps, comme chez les sportifs de haut niveau, alors la veine, sans cesse comprimée, verra alors son flux sanguin ralenti voire obstrué.
Finalement, la polémique s’était éteinte en même temps que les courts de Roland Garros à la fin de la compétition. Si elle refait surface ces derniers jours, c’est qu’elle fait suite à la déclaration du président de la FFT, Bernard Giudicelli.
Interviewé par Tennis Magazine sur le sujet, il a décidé que la tenue de Serena lors du dernier tournoi ne serait plus règlementaire dorénavant. Il justifie ce choix : « Je crois qu’on est parfois allé trop loin. La combinaison de Serena cette année, par exemple, ça ne sera plus accepté. Il faut respecter le jeu et l’endroit ».
Des propos assez mal reçus par une large part de l’opinion publique, qui les a jugés plutôt réacs, sinon sexistes. Pourtant, la principale intéressée a insisté sur la relation chaleureuse qu’elle partage avec Giudicelli. Prônant l’apaisement et la légèreté, elle a bon espoir que la FFT considère finalement sa tenue comme justifiée médicalement et donc autorisée.
C’est globalement « l’uniforme » (en plus court) qui convient aujourd’hui au président de la FFT (note, au début on jouait avec un corset et une jupe jusqu’aux pieds) conclusion : les femmes sont toujours trop ou pas assez couvertes selon… des messieurs… pic.twitter.com/eJP1gQbkWQ
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) August 25, 2018
L’ex-ministre Cécile Duflot, quant à elle, a vivement critiqué la FFT et a souhaité défendre la joueuse, à l’instar de son sponsor à la fameuse virgule. Nike créateur de sa tenue, a opté de son côté par une jolie figure de style : « vous pouvez enlever son costume à un super héros, mais vous ne pourrez jamais lui enlever ses super pouvoirs. »
Reste la question de l’équité soulevée par les concurrentes qui s’inquiètent d’être lésées. La combi étant étudiée pour améliorer l’endurance et la récupération des muscles jambiers, ne seront-elles pas désavantagées en portant une tenue plus classique ?
Ceci dit, on peut aussi envisager la question en sens inverse. A cause de son défaut manifeste de circulation sanguine, ne serait-il pas attribué, à Serena Williams, un réel handicap en la privant d’une solution à son problème médical ?
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